Sur le chemin de l'école je la voyais souvent
Cette femme décharnée aux cheveux longs
Qui portait le malheur griffé sur son visage
Comme un tatouage sur sa peau crevassée.
Par tous les temps, elle allait, droite et fière.
Cette reine en haillons sur des jambes craquelées qui la traînaient, pauvrement ensevelie par une robe noire sévère, devenue grise à force d'usure. L'hiver, l'indigence d'un manteau râpé, beaucoup trop court pour elle, ceignait d'un mince rempart son long corps osseux, délabré, alors que, pieds nus dans des vestiges de chaussures, sa peau rougissait des violences du vent.
Opiniâtre pourtant, elle tirait des cageots défoncés sur un petit chariot branlant tandis que des gens passaient, pressés et indifférents, mais cependant bien loin d'elle et le regard ailleurs; ostensiblement; comme si sa misère eût été contagieuse.
Un jour, au sortir de la classe, je trouvais la femme en noir à demi engloutie par le ventre bombé d'une poubelle abondamment pourvue d'ordures nauséeuses. Elle fouillait et triait des légumes souillés et des fruits tavelés, réservant le meilleur des détritus à la paille tressée d'un maigre cabas echevelé qui s'alourdissait honteusement de feuillage jaune et sali.
A quelques pas de là, au travers de la vitrine claire d'un magasin de primeurs, une pyramide sucrée de fruits trop brillants allumait ses joues creuses dans le désir avide des saveurs croquantes d'une pomme reinette mais elle n'a rencontré que des yeux méprisants qui la jaugeaient froidement afin de mieux la retrécir. Copieusement assis sur des ventres goinffrés et des paniers bien remplis.
Avec des airs offusqués, les têtes des pieuses ménagères se hochaient d'une opprobre marquée, des commentaires acides s'échangeaient; l'ostracisme planait.
Elle salissait l'entrée par la seule présence d'une pauvreté indigne aux regards dégoûtés des passants rassasiés alors, elle a pris son panier, enveloppée de misère, et puis elle s'en est allée vers l'angle de la rue qui a vu, pourtant, le reflet luisant d'un chagrin ramassé rouler, d'une trace légère, jusqu'à la commissure crispée de ses lèvres amères.
Une larme, lente et ronde comme un boulet d'angoisse,
Glissait sur sa joue ravinée par les années desséchée
La chanson méchante d'un choeur cruellement bien-pensant.
*********
Et, là, je me suis demandée qui était ce dieu dont on me parlait.
Ce dieu qui nous faisait souffrir au lieu de nous aimer.
Ce dieu à qui paraît-il l'on ressemblait.
Et moi, toute petite, j'ai décidé que je serais seulement moi.
Et que je ne serais pas comme eux.
Les chacals de ce dieu.
Antonella de Réus de la Torre
La Romanerie le Château.
N 1 et N 2
Derniers Commentaires